Se donner du temps
Le défi de toute institution qui accompagne des jeunes en rupture est de parvenir à les engager dans un processus de remise en question et d’autonomisation. Quand – comme à La Fontanelle – on accueille des jeunes brisés par une spirale d’échecs multiples, la mission est extrêmement difficile.
L’accompagnement des garçons s’appuie sur un programme en trois phases qui valorisent la progression. À chaque passage, le jeune fait son introspection. Il prend le temps d’examiner le travail accompli – particulièrement au niveau du savoir-être – ses modes de fonctionnement, le système de pensées qui l’entraînent dans des impasses relationnelles ainsi que ses postures lorsqu’il est émotionnellement en survie. Il doit ensuite partager ses observations au reste du groupe et à l’équipe éducative. Cela est vécu comme un rituel, parfois marqué par la joie et la fierté d’avoir réussi, d’autres fois par la rage d’avoir échoué.
Ces moments très authentiques et touchants renforcent aussi la motivation de l’équipe à faire avec et vivre avec, au fil des étapes traversées par chacun d’entre eux. Une culture de la patience s’est installée au sein du foyer, créant un nouvel équilibre ou les impulsions primaires sont freinées pour laisser la place à un lent processus d’analyse. Entre 2021 et 2023, les chiffres montrent qu’un plus grand nombre de jeunes sont parvenus à profiter du placement qui a tendance à durer plus longtemps, montrant qu’ils se sentent suffisamment en confiance pour se laisser le temps de faire un travail en profondeur. Cela accroit leur stabilité et leur capacité à se responsabiliser lorsqu’ils s’apprêtent à mettre en œuvre leur projet de formation et de vie de jeune adulte.
À mon arrivée, je voulais repartir le plus vite possible. Au fil du programme, j’ai commencé à ressentir combien cela me faisait du bien de m’occuper de moi et j’ai eu envie de me laisser du temps.