Marco Tuberoso est responsable Prévention et Formation à l’ESPAS (Espace de Soutien et de Prévention – Abus Sexuels). Ce psychologue FSP forme et conseille les professionnel·le·s sur ces questions depuis quinze ans. Il propose quelques clefs pour adopter une réaction appropriée en cas de confidence.
En tant qu’éducatrice ou éducateur, comment réagir de façon appropriée à une révélation d’abus sexuel ?
Le ou la professionnel·le doit commencer par remercier l’adolescente ou l’adolescent pour la confiance témoignée en venant se confier. Son rôle n’est pas de savoir si c’est vrai ou pas. Toutes les interrogations ou exclamations qui donneraient l’impression de remettre en cause la révélation, comme « Pourquoi m’en parles-tu maintenant? En es-tu sûr?» etc, n’ont pas leur place. La seule question à poser est : j’ai besoin que tu m’en dises plus ou peux-tu m’en dire plus? Après, il faut s’arrêter. Elle permet de clarifier ce qui est en train d’être dit pour une meilleure compréhension de ce qui s’est passé. Compréhension n’est toutefois pas véracité. Il s’agit de ne pas avoir un rôle inquisiteur, les seules personnes habilitées à questionner un·e enfant ou un·e jeune sont les professionnel·les de la justice. Il s’agit dans cette clarification de bien saisir ce que l’adolescente ou l’adolescent entend par exemple par le terme « abusé·e ». Le ou la professionnel·le doit pouvoir comprendre les faits. Enfin, dernière chose importante, il s’agit d’expliquer ce qui va se passer suite à cette révélation, sans banaliser ni dramatiser, et ne pas se laisser entrainer dans le secret.
Il faut donc sortir rapidement de cette relation de confidence intime ?
Oui. Un ou une victime d’abus ou de maltraitance sexuelle est une personne dont la confiance a été trahie. C’est essentiel que l’adulte ne le trahisse pas une seconde fois. Elle ou il ne sera pas forcément content·e ou d’accord avec ce qui va suivre, mais la ou le professionnel·le doit reprendre son rôle d’adulte. Elle ou il doit expliquer clairement que ce qui vient d’être dit est important et qu’elle ou il ne peut pas porter la responsabilité de garder le secret. Si cela est suivi d'un refus de parler, c'est malheureux, mais c'est son choix.
Cette honnêteté a un côté clarifiant, ou aidant, car le ou la jeune sait ce qui va se passer. Je dirais encore qu’en règle générale, il n’y a pas urgence à traiter un témoignage d’abus. La seule urgence, c’est la sécurité vitale que l’éducatrice ou l’éducateur doit garantir. Ce qui est de l’ordre de l’important doit être séparé de l’urgent. Une situation d’urgence est déterminée par une mise en danger imminente: là, on doit agir vite. Si tel n’est pas le cas, on a quelques heures, voire une journée pour réfléchir. L’essentiel est de savoir vers qui se tourner. La plupart du temps, c’est vers la ou le supérieur·e hiérarchique.
Pour appréhender une situation d’abus, il est nécessaire d’être au clair sur certaines notions telles que “contacts adéquats” ou «sphère personnelle». pouvez-vous nous éclairer sur ces concepts ?
Plutôt que détailler ces notions, je propose plutôt de parler du Code pénal. C’est important que l’éducatrice ou l’éducateur le connaisse. Par exemple, des jeux sexuels entre enfants de plus de trois ans d’écart ne sont plus considérés comme des jeux. Il est illégal de montrer de la pornographie à un enfant de moins de seize ans. Si un·e jeune de dix ans montre une scène porno à un·e autre enfant de douze ans, il ou elle se rend coupable d’un délit pénal. Ces notions aident déjà à clarifier ce qui est permis de ce qui ne l’est pas. La ou le professionnel doit connaître aussi le développement psychosexuel attendu d’un·e enfant. Lorsqu’à quatre ans, on demande à voir le zizi de son copain, ce n’est pas un acte pervers. Il faut aussi être conscient que les contacts appropriés changent selon l’âge, ce qui est adéquat à six ans, ne l’est plus à onze ans.
Les réactions des victimes d’abus ou de maltraitance ne sont pas toutes identiques, ce qui rend tout mode d’emploi malaisé.
En effet, après une confidence, toutes les réactions sont possibles. Il se peut qu’aucun signal de mal-être n’apparaisse. Pour une victime, c’est souvent important de faire quelque chose pour que l’abus cesse. Ou alors, il s’agit de se soulager d’un poids et le fait de parler suffit à se sentir mieux. Parfois les symptômes ou signaux de mal-être apparaissent plus tard. C’est le rôle de l’éducatrice ou l’éducateur d’accompagner, de vérifier que ça continue d’aller bien. J’aimerais insister sur le fait que la case psy n’est pas un passage obligé. Or, c’est un peu le réflexe des professionnel·le·s de demander un soutien psychologique.
Une confidence survient plus facilement lorsqu’un lien de confiance est établi. Celui-ci ne risque-t-il pas d’être détruit par cette obligation de signalement ?
Il est important d’être clair, de bien expliciter que cette situation dépasse la relation, que c’est la loi qui exige le signalement. C’est important aussi de donner un bout de choix, par exemple en proposant de venir en parler à la ou au supérieur·e hiérarchique. N’oublions pas que l’éducatrice ou l’éducateur est un modèle. Par la manière dont elle·il va gérer la situation, le ou la jeune fera l’expérience d’un·e adulte responsable, et cela l’aidera dans sa reconstruction.
Si après une confidence, la véracité des faits est mise en doute, notamment en raison d’antécédents, que conseillez-vous de faire ?
Encore une fois, ce n’est pas à l’éducatrice ou l’éducateur de mener l’enquête et de percer la vérité. Le comportement doit rester le même. Même si elle ne se vérifie pas, toute confidence de ce genre n’est pas anodine. Une fausse allégation montre à quel point cela ne va pas bien.
Après l’accueil d’une révélation, quelles sont les mesures à prendre?
Pour une ou un éducateur·trice, la seule chose à faire est d’en informer sa ou son supérieur·e, qui est tenu·e de savoir comment procéder. La formation et la prévention sont importantes pour savoir répondre à ces questions: Qui, quand, quoi, comment? Soit: qui j’appelle, quand je l’appelle et quel est le chemin d’intervention dans ma structure. C’est ce que ESPAS met en place dans ses cours. L’association rappelle aussi les différents articles du Code pénal qui permettent de mieux appréhender ces situations. Une personne maltraitée a, de manière générale, huit fois plus de risque de subir d’autres abus par la suite. La prévention sert aussi à démystifier l’abus sexuel, qui fait peur. La formation et la prévention doivent se faire à deux niveaux: individuel et institutionnel. La ou le professionnel·e et l’institution ont chacun leur rôle dans la prise en charge et l’accompagnement de la ou du jeune. Les deux sont garant·e·s de sa protection globale.
Nous avons parlé de l’attitude qu’un·e professionnel·le doit avoir face à une confidence. Qu’en est-il des parents?
Dans l’idéal, il faudrait que le parent puisse agir de la même manière que celle décrite ici, même si c’est nettement plus difficile pour un père ou une mère d’entendre les révélations de son enfant et c’est bien normal. Le plus important est que les abus cessent et que le parent sache à qui demander de l’aide: il peut contacter soit la gendarmerie, soit un centre LAVI.
En tant qu’éducatrice ou éducateur, comment réagir de façon appropriée à une révélation d’abus sexuel ?
Le ou la professionnel·le doit commencer par remercier l’adolescente ou l’adolescent pour la confiance témoignée en venant se confier. Son rôle n’est pas de savoir si c’est vrai ou pas. Toutes les interrogations ou exclamations qui donneraient l’impression de remettre en cause la révélation, comme « Pourquoi m’en parles-tu maintenant? En es-tu sûr?» etc, n’ont pas leur place. La seule question à poser est : j’ai besoin que tu m’en dises plus ou peux-tu m’en dire plus? Après, il faut s’arrêter. Elle permet de clarifier ce qui est en train d’être dit pour une meilleure compréhension de ce qui s’est passé. Compréhension n’est toutefois pas véracité. Il s’agit de ne pas avoir un rôle inquisiteur, les seules personnes habilitées à questionner un·e enfant ou un·e jeune sont les professionnel·les de la justice. Il s’agit dans cette clarification de bien saisir ce que l’adolescente ou l’adolescent entend par exemple par le terme « abusé·e ». Le ou la professionnel·le doit pouvoir comprendre les faits. Enfin, dernière chose importante, il s’agit d’expliquer ce qui va se passer suite à cette révélation, sans banaliser ni dramatiser, et ne pas se laisser entrainer dans le secret.
Il faut donc sortir rapidement de cette relation de confidence intime ?
Oui. Un ou une victime d’abus ou de maltraitance sexuelle est une personne dont la confiance a été trahie. C’est essentiel que l’adulte ne le trahisse pas une seconde fois. Elle ou il ne sera pas forcément content·e ou d’accord avec ce qui va suivre, mais la ou le professionnel·le doit reprendre son rôle d’adulte. Elle ou il doit expliquer clairement que ce qui vient d’être dit est important et qu’elle ou il ne peut pas porter la responsabilité de garder le secret. Si cela est suivi d'un refus de parler, c'est malheureux, mais c'est son choix.
Cette honnêteté a un côté clarifiant, ou aidant, car le ou la jeune sait ce qui va se passer. Je dirais encore qu’en règle générale, il n’y a pas urgence à traiter un témoignage d’abus. La seule urgence, c’est la sécurité vitale que l’éducatrice ou l’éducateur doit garantir. Ce qui est de l’ordre de l’important doit être séparé de l’urgent. Une situation d’urgence est déterminée par une mise en danger imminente: là, on doit agir vite. Si tel n’est pas le cas, on a quelques heures, voire une journée pour réfléchir. L’essentiel est de savoir vers qui se tourner. La plupart du temps, c’est vers la ou le supérieur·e hiérarchique.
Pour appréhender une situation d’abus, il est nécessaire d’être au clair sur certaines notions telles que “contacts adéquats” ou «sphère personnelle». pouvez-vous nous éclairer sur ces concepts ?
Plutôt que détailler ces notions, je propose plutôt de parler du Code pénal. C’est important que l’éducatrice ou l’éducateur le connaisse. Par exemple, des jeux sexuels entre enfants de plus de trois ans d’écart ne sont plus considérés comme des jeux. Il est illégal de montrer de la pornographie à un enfant de moins de seize ans. Si un·e jeune de dix ans montre une scène porno à un·e autre enfant de douze ans, il ou elle se rend coupable d’un délit pénal. Ces notions aident déjà à clarifier ce qui est permis de ce qui ne l’est pas. La ou le professionnel doit connaître aussi le développement psychosexuel attendu d’un·e enfant. Lorsqu’à quatre ans, on demande à voir le zizi de son copain, ce n’est pas un acte pervers. Il faut aussi être conscient que les contacts appropriés changent selon l’âge, ce qui est adéquat à six ans, ne l’est plus à onze ans.
Les réactions des victimes d’abus ou de maltraitance ne sont pas toutes identiques, ce qui rend tout mode d’emploi malaisé.
En effet, après une confidence, toutes les réactions sont possibles. Il se peut qu’aucun signal de mal-être n’apparaisse. Pour une victime, c’est souvent important de faire quelque chose pour que l’abus cesse. Ou alors, il s’agit de se soulager d’un poids et le fait de parler suffit à se sentir mieux. Parfois les symptômes ou signaux de mal-être apparaissent plus tard. C’est le rôle de l’éducatrice ou l’éducateur d’accompagner, de vérifier que ça continue d’aller bien. J’aimerais insister sur le fait que la case psy n’est pas un passage obligé. Or, c’est un peu le réflexe des professionnel·le·s de demander un soutien psychologique.
Une confidence survient plus facilement lorsqu’un lien de confiance est établi. Celui-ci ne risque-t-il pas d’être détruit par cette obligation de signalement ?
Il est important d’être clair, de bien expliciter que cette situation dépasse la relation, que c’est la loi qui exige le signalement. C’est important aussi de donner un bout de choix, par exemple en proposant de venir en parler à la ou au supérieur·e hiérarchique. N’oublions pas que l’éducatrice ou l’éducateur est un modèle. Par la manière dont elle·il va gérer la situation, le ou la jeune fera l’expérience d’un·e adulte responsable, et cela l’aidera dans sa reconstruction.
Si après une confidence, la véracité des faits est mise en doute, notamment en raison d’antécédents, que conseillez-vous de faire ?
Encore une fois, ce n’est pas à l’éducatrice ou l’éducateur de mener l’enquête et de percer la vérité. Le comportement doit rester le même. Même si elle ne se vérifie pas, toute confidence de ce genre n’est pas anodine. Une fausse allégation montre à quel point cela ne va pas bien.
Après l’accueil d’une révélation, quelles sont les mesures à prendre?
Pour une ou un éducateur·trice, la seule chose à faire est d’en informer sa ou son supérieur·e, qui est tenu·e de savoir comment procéder. La formation et la prévention sont importantes pour savoir répondre à ces questions: Qui, quand, quoi, comment? Soit: qui j’appelle, quand je l’appelle et quel est le chemin d’intervention dans ma structure. C’est ce que ESPAS met en place dans ses cours. L’association rappelle aussi les différents articles du Code pénal qui permettent de mieux appréhender ces situations. Une personne maltraitée a, de manière générale, huit fois plus de risque de subir d’autres abus par la suite. La prévention sert aussi à démystifier l’abus sexuel, qui fait peur. La formation et la prévention doivent se faire à deux niveaux: individuel et institutionnel. La ou le professionnel·e et l’institution ont chacun leur rôle dans la prise en charge et l’accompagnement de la ou du jeune. Les deux sont garant·e·s de sa protection globale.
Nous avons parlé de l’attitude qu’un·e professionnel·le doit avoir face à une confidence. Qu’en est-il des parents?
Dans l’idéal, il faudrait que le parent puisse agir de la même manière que celle décrite ici, même si c’est nettement plus difficile pour un père ou une mère d’entendre les révélations de son enfant et c’est bien normal. Le plus important est que les abus cessent et que le parent sache à qui demander de l’aide: il peut contacter soit la gendarmerie, soit un centre LAVI.
Propos recueillis par Joanna Vanay
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