Frédéric, comment vous représentez-vous le masculin à l'heure des revendications féministes ?
Avant toute chose, j’ai eu envie de dire à ces jeunes qu’à titre personnel, je suis perdu sur ces questions de genre, sur ce qu’on attend de moi en tant qu’homme. Dois-je agir ou pas ? Ai-je encore le droit de séduire au risque d’être vu comme un agresseur ? Ai-je le devoir d'être galant envers la gent féminine, au risque qu’on me fasse grief de les inférioriser ? Dois-je être un père ferme tout en étant très présent à la maison ?
Nous avons donc essayé de mettre un peu d’ordre ensemble dans toutes ces questions au cours d’un atelier de réflexion et d’écriture. Il s’est agi de mieux comprendre la construction de l’identité pour se libérer des déterminismes psycho-sociologiques à l’aide de la philosophie, de l'analyse d’images et de l’écriture créative. Au-delà des critères biologiques, également remis en question aujourd’hui, la question du genre semble être en redéfinition permanente. Le masculin se détermine de plus en plus en fonction du féminin et vice-versa. L’objectif n’est pas de remplacer le patriarcat par une forme de matriarcat, mais par de l’égalité et de la solidarité.
Quel modèle masculin peut encore inspirer les jeunes garçons ?
La métaphysique occidentale traditionnelle s'est forgée par dichotomie, comme si toute chose n'existait que par son contraire (blanc/noir, haut/bas, corps/esprit, masculin/féminin, etc.). Cette perspective rationnelle impose une vision dualiste figée. Pourtant le monde n'est que fluidité et mouvement. Les oppositions rationnelles tranchées s'accordent mal avec cette réalité tout en nuances. Nous devons échapper à tout jugement de valeur voulant que dans une opposition, un des deux termes soit supérieur à l'autre. Sans intérieur, l'extérieur n'aurait pas de sens ; sans sujet, pas d'objet compréhensible ; sans le vide, le plein ne veut rien dire. La signification d'un terme ne se comprend qu'à partir d'un autre dont il se distingue, mais n’est jamais fixée définitivement dans une hiérarchie. Les questions d’identité passent par la culture, et à notre époque, principalement par l’image diffusée dans les médias, les réseaux sociaux ou les jeux vidéo.
* prénoms fictifs
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Tiago, 17 ans
Parfois, je ressens de la pression parce que je suis un homme. Il doit ne pas trop montrer sa sensibilité, il doit être fort, résistant. Ça met la pression, ces stéréotypes. On est un peu jugé là-dessus, alors que ça n’a pas vraiment de sens. J’essaie de ne pas trop y penser, d’être juste moi-même.
Je ne me sens pas toujours libre d’être l’homme que je voudrais. En secondaire, à l’école, j’étais sensible, je n’étais pas très bien vu par les autres, surtout par les autres mecs. Je l’ai caché pendant un moment, mais maintenant je l’assume mieux. Je ne peux pas plaire à tout le monde, c’est plus simple d’être moi-même, et que les autres voient qui je suis vraiment.
Je n’ai pas de personne de référence qui me vient en tête. Juste quelqu’un de respectueux, compréhensif. Certains sportifs m’énervent, parce que des médias en font des modèles, mais c’est impossible d’être comme eux. C’est con de centraliser sur un seul modèle, on est tous différents.
Je me sens parfois obligé d’agir d’une certaine façon parce que je suis un homme. Imaginons que je suis en ville avec des potes filles, je vais me sentir obligé de les défendre… Je sens qu’il y a une attente. Après, d’où vient le fait que je le ferais ? C’est une bonne question.
Léon, 16 ans
Être un homme, c’est quand même une souffrance, on ne va pas se mentir. Les délits, l’argent, les stupéfiants, ce sont des problèmes d’hommes tout ça.
J’aimerais ressembler à deux-trois rappeurs que j’admire. Ils ont une vie de rêve, j’aime leurs personnalités aussi. J’aimerais pas être homosexuel. C’est un modèle qui fâche dans ma culture, c’est pas naturel. Pour moi, être un homme, c’est ramener de l’argent, c’est normal, ce n’est pas une pression. Peut-être que je me sens des fois obligé d’être plutôt ceci, plutôt cela parce que je suis un garçon, mais je n’en ai pas vraiment conscience.
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