Interview de Zoé Moody, professeure HEP Valais
L’évolution du phénomène de harcèlement, d’intimidation et de violences entre les élèves est désormais suivie de près par les institutions publiques romandes. Il est en effet unanimement admis que ce type d’événements peut avoir un effet péjorant sur l’intégration sociale et le développement scolaire ou professionnel des jeunes. Point de situation avec Zoé Moody, professeure HEP Valais et chercheuse au Centre interfacultaire en droits de l’enfant à l’UNIGE.
Zoé Moody, quelle est la définition communément admise pour identifier le harcèlement ?
Voici celle qui est ressortie du Forum mondial contre le harcèlement en 2023 : Le harcèlement scolaire est un processus social néfaste qui se caractérise par une dynamique de pouvoir déséquilibrée, laquelle découle des normes sociales (sociétales) et institutionnelles. Les agissements sont souvent répétés et se manifestent par un comportement interpersonnel indésirable des élèves ou du personnel scolaire, qui cause un préjudice physique, social et émotionnel aux personnes ou aux groupes ciblés ainsi qu’à l’ensemble de la communauté scolaire. Cette nouvelle définition met l’accent sur les dynamiques de groupes, très prégnantes dans une majorité des situations de harcèlement.
Quelle ampleur a le phénomène ?
Nos études en Suisse nous permettent d’estimer que 5 à 10% des élèves ont subi du harcèlement et cela va jusqu’à 15% pour le harcèlement verbal. Les autrices et auteurs sont évalués à moins de 5% cependant, il est important de souligner que l’ensemble du groupe est presque toujours impliqué dans la dynamique : 87% des élèves sont concernés par le harcèlement.
Comment s’exprime le harcèlement chez les jeunes ?
Il s’agit le plus souvent de micro-violences, peu spectaculaires, mais répétées et donc oppressantes. Elles prennent différentes formes : physique (bousculades, croche-pattes), verbale (rumeurs, insultes), sexuelle (lever la jupe, tirer le slip, etc.), violences d’appropriation (racket), en ligne (cyberharcèlement), jeux dangereux (défis, jeux d’influence), etc.
Quelle aide est proposée pour en sortir ?
Différents programmes d’accompagnement ont été développés, les principaux intégrant des interventions dites non blâmantes afin d’éviter de faire porter la responsabilité à un-e seul-e jeune et ainsi de limiter les risques de représailles. Le défi est d’accompagner les élèves dans la recherche de solution.
Quelles actions de prévention peuvent être envisagées ?
On va chercher à développer les compétences psychosociales (par exemple, se connaître, se maîtriser, réguler ses émotions, communiquer de façon constructive) et, de manière importante, travailler sur l’empathie pour que les élèves puissent comprendre ce que ressentent des cibles de harcèlement. Des interventions brèves pour savoir comment agir face à une agression fonctionnent bien aussi.
Quel est le rôle des pairs dans la prévention ?
Il est très important. Nous les appelons des active bystanders ou spectateur-trices actif-ves qui représentent environ 25% des témoins d’une situation de harcèlement. Ce chiffre peut être augmenté en outillant les élèves pour reconnaître le harcèlement, pour savoir où chercher de l’aide (d’où l’importance de définir des protocoles d’intervention), voire se sentir le courage d’intervenir.
Depuis 2023, le cyberharcèlement est un délit pénalement répréhensible. Ce changement a-t-il un effet ?
Pas à ma connaissance en Suisse, contrairement à la France. Le cyberharcèlement est une forme de harcèlement qui facilite tout de même la documentation, donc la collecte de preuves, même si plusieurs actes constitutifs sont difficiles à déceler comme le fait de ne jamais réagir aux publications.
Propos recueillis par Anne Kleiner
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