La vision systémique a permis de mieux comprendre les dynamismes à l’œuvre
Le harcèlement est-il inhérent à l’humanité ? En tout temps, en tous lieux, elle s’est choisi des boucs émissaires, afin d’apaiser les tensions que produisent les rapports sociaux. L’homme efféminé, la femme sorcière, l’enfant bègue, entre tant d’autres, se sont trouvés moqués, persécutés et forcés à jouer ce rôle ingrat, un peu comme si les caractéristiques de ces personnes les prédéterminaient à être l’exutoire des tensions sociales.
C’est cruel, injuste, mais explicable : nous savons aujourd’hui qu’un groupe cherchera à tout prix à séréniser son fonctionnement, et si les rapports entre ses membres ne sont pas pacifiés de manière consciente, volontaire et structurelle, le groupe se régulera, peu importe les moyens. Or le harcèlement est facile et demande peu d’efforts. Quel que soit le rôle incarné, les actrices et acteurs de la dynamique du harcèlement sont, le plus souvent, inconscients des mécanismes de régulation en jeu, et en sont prisonniers.
Depuis les années 1950, l'approche systémique et l'analyse du fonctionnement des groupes ont significativement enrichi notre compréhension des rapports sociaux, en dissipant leur interprétation naïve et en permettant de restaurer toute leur complexité. Ces nouvelles pratiques ont mis fin à toute vision simpliste du phénomène du harcèlement et surtout dévoilé le rôle des témoins. Marie Quartier, notre conférencière du 25 septembre, l’a mis en exergue en nous montrant les pièges habituels dans lesquels la plupart d’entre nous tombons, notamment la croyance en l’efficacité de la réprimande ou la punition de la personne harceleuse, ou encore l’incitation faite à la personne victime de se positionner différemment.
En somme, la vision systémique a permis de mieux comprendre les dynamismes à l’œuvre et d’atténuer, par un travail de conscientisation, les forces qui maintiennent les actrices et acteurs ainsi que les témoins dans des rôles prédéterminés. Mais il reste du pain sur la planche, notamment sur le plan individuel, car c’est finalement la résilience personnelle qui permettra de se positionner, voire de refuser le rôle attribué. Comme l’expliquent les experts dans les pages de ce journal, cette force ne se développe pas en un claquement de doigts, ni par simple volonté. Elle exige un apprentissage laborieux, tel que l’alphabétisation émotionnelle, et un face-à-face courageux avec les souffrances du passé.
André Burgdorfer, Directeur
Éditorial paru dans l’Écho de La Fontanelle n° 69, décembre 2024

Retour sur la conférence de Marie Quartier, spécialiste de la MPP
Pour mieux faire face au phénomène de harcèlement, La Fontanelle a invité la spécialiste Marie Quartier pour une conférence donnée le 25 septembre dernier. Reconnue pour son approche et son engagement dans la lutte contre le harcèlement, elle a notamment présenté la MPP ou Méthode de la Préoccupation Partagée, appliquée de plus en plus souvent dans les écoles romandes. Elle a également attiré l’attention sur les risques de réponses inadaptées et fait quelques recommandations.
Après l’introduction du directeur, André Burgdorfer, et l’écoute d’un podcast poignant sur le sujet réalisé par des jeunes de la Fontanelle, Marie Quartier a commencé par définir le propos. Lorsqu’on parle de harcèlement, il s’agit de microviolences telles que des moqueries, jets d’objets ou rumeurs répétées dans le cadre d’un groupe. Elle a illustré le pouvoir du conformisme en rappelant l’expérience menée auprès d’étudiant-es dans les années cinquante par le psychologue Solomon Asch, démontrant comment la pression sociale peut influencer le comportement des individus. Elle a aussi mis en évidence le rôle des dynamiques de pouvoir et de responsabilité au sein des groupes dans le harcèlement, en s’appuyant sur la pensée de la philosophe Hannah Arendt et de son article « La crise de l'Éducation » écrit en 1958.
Deux composantes essentielles du harcèlement scolaire contemporain sont relevées. La première est la contagion mimétique, qui illustre la banalité du mal, soulignant que n'importe qui peut devenir l'agent de brimades. La seconde est le stéréotype de la persécution, qui implique que la victime est souvent perçue comme étant en partie responsable de ce qui lui arrive. Cette notion soulève des questions cruciales sur la responsabilité individuelle et collective face à ces comportements destructeurs.
Les personnes cibles de harcèlement, autrement dit les victimes, gardent le plus souvent le silence face à ce qu’elles subissent. Peur des représailles, honte, désarroi, inquiétude pour les parents, crainte de ne pas être pris-e au sérieux ou d’être accusé-e sont autant de raisons qui éloignent de la possibilité de s’exprimer. Les brimades vécues au quotidien sont évidemment douloureuses, mais les réactions inappropriées de l’entourage peuvent également exacerber la souffrance. Côté parents, le vécu est aussi éprouvant. La peine de leur enfant les touche, et un sentiment d'impuissance peut apparaitre face à une situation incontrôlable. La culpabilité est présente, les parents se demandant ce qui aurait pu être fait pour prévenir le harcèlement. L'angoisse quant aux conséquences, telles que la déscolarisation, pèse également sur leur esprit. Les enfants harcelés tentent souvent de préserver leurs parents de leur souffrance, rendant encore plus difficile la communication sur ce qui est vécu. Cette dynamique complique l'intervention des adultes, qui se retrouvent très souvent démunis.
Partant de ces constats, il est important d’éviter certaines erreurs. Prodiguer des conseils tels que « défends-toi ! » ou encore « réponds-leur ! » peut avoir un effet délétère, dans la mesure où ces injonctions tendent à accroître la pression sur l’enfant ; tout comme manquer de discrétion ou encore chercher à connaître les raisons du harcèlement. Il s’agit aussi de résister à l’envie de considérer son enfant harcelé comme complètement innocent. Elle recommande quelques pistes à privilégier. Pour soutenir un enfant victime de harcèlement, il est important d'observer les signaux subtils qu'il pourrait émettre et d’offrir une écoute attentive sans sur-réagir. Être discret et respectueux de son vécu permet de créer un espace de confiance où l'enfant se sentira plus à l'aise pour s'exprimer. Elle invite à explorer plutôt qu’à conseiller, à accompagner l’enfant dans sa démarche en le laissant trouver la réponse qui lui convient.
Marie Quartier souligne également le rôle crucial de l'institution scolaire. L'école, en tant qu'environnement éducatif, a en effet la possibilité, mais plus encore le devoir d'agir face à ces situations. Les protagonistes du harcèlement, qu'il s'agisse des personnes victimes, harceleuses ou encore témoins, sont toutes sous sa responsabilité, et il est impératif que des actions soient mises en place pour garantir un cadre scolaire sécure et bienveillant. Pour que le harcèlement cesse, il est essentiel de proposer aux élèves, en tant que groupe, une alternative plus forte qui les sécurise.
La MPP ou Méthode de la Préoccupation Partagée est un instrument précieux pour lutter contre le harcèlement. Elle propose une prise en charge des victimes et de leurs familles, avec pour but de leur permettre de sortir de la solitude. En entretien, elle invite à créer une relation d’alliance au sens de Carl Rodgers avec les personnes cibles. Elle considère d’autre part les personnes harceleuses ainsi que les témoins, afin de faire cesser les brimades. Il s’agit d’éveiller chez elles un sentiment d’inquiétude et d’empathie pour celle ou celui qui a été la cible de malveillance, dans le cadre d’une relation d’autorité selon Hannah Arendt, puis de solliciter leurs suggestions pour venir en aide à la personne victime, ceci sans évoquer directement les faits de harcèlement. Marie Quartier invoque une éthique au-delà d’une méthode. A noter que la MMP n’exclut pas la possibilité d’une sanction in fine, si nécessaire.
Le harcèlement revêt aujourd’hui une forme particulière puisqu’il peut se poursuivre en ligne, notamment sur les réseaux sociaux. Trois particularités sont relevées, qui tendent à en amplifier les effets : l’envahissement de la sphère privée, l’absence de face-à-face et la mécanique de surenchère. Le flaming ou encore le sexting sont autant de déclinaisons de ce cyberharcèlement.
Finalement, l’approche de la MPP invite chacune et chacun à réfléchir à son rôle et à sa responsabilité dans la dynamique de groupe. Statistiques à l’appui attestant de l’ampleur du phénomène, il est urgent aujourd’hui d’en saisir les enjeux et d’adopter une approche empathique et réfléchie, pour contribuer à offrir à l’enfance et la jeunesse un environnement protecteur et épanouissant. Pour reprendre les termes de Marie Quartier, le harcèlement ne se limite pas au contexte scolaire : il en va de notre santé publique.
Compte-rendu de Céline Droz
Paru dans l’Écho de La Fontanelle n° 69, décembre 2024
Conférencière
MARIE QUARTIER, Professeure agrégée de lettres et licenciée en psychologie
Afin d’éviter que les situations de harcèlement ne se terminent par des drames, Marie Quartier travaille depuis de nombreuses années à décrypter les dynamiques de groupe complexes qui amènent à ces situations de maltraitance afin d’en déjouer les mécanismes. Avec Jean-Pierre Bellon, elle a développé la « Méthode de la Préoccupation Partagée ». L’objectif est d’engager les auteur-es et les témoins dans un processus visant à mettre fin au harcèlement tout en apportant à la victime un soutien pour assurer sa sécurité et son bien-être.
Professeure agrégée de lettres, licenciée en psychologie et formée à l’approche systémique de l’école Palo Alto, Marie Quartier est aujourd’hui co-fondatrice et directrice générale adjointe du Centre ReSIS à Lyon. Elle a co-fondé cette association consacrée à l’étude et au traitement du harcèlement scolaire dans le cadre d’un rapprochement entre l’association ORFEEE qu’elle avait créée en 2014 pour lutter contre les souffrances scolaires et l’association APHEE créée en 2007 par le professeur de philosophie Jean-Pierre Bellon.
Interview de Philip Nielsen psychothérapeute spécialisé dans les abus
Spécialisé depuis plus de trente ans dans le domaine des dépendances et des abus, Philip Nielsen est psychologue et psychothérapeute. A Genève, il a co-fondé et dirigé la Consultation pour adolescent-es de la Fondation Phénix. En 2022, il a déménagé en Valais où il consulte à titre indépendant.
Philip Nielsen, qu’évoque pour vous le thème du harcèlement?
Je suis né à Hong Kong et lorsque je suis arrivé à Genève à douze ans, mon intégration fut compliquée, notamment parce que je m’exprimais mal en français. J’étais donc sujet au harcèlement. On comprend assez vite qu’il faut se protéger, parfois en ne prenant pas position et d’autres fois en se défendant d’une manière agressive. Toute personne confrontée au harcèlement est traversée par la peur, la honte et la culpabilité ; ce sont des émotions fortes qui nous impactent immanquablement.
Le harcèlement est-il une constante dans les comportements humains?
Le harcèlement est une déclinaison de l’abus et oui, le risque d’abus existe depuis le début de l’humanité. Le nourrisson qui vient au monde est vulnérable. Sa survie, puis son développement reposent sur une impulsion agressive, pour se défendre, mais aussi pour percer, s’affirmer. Le processus d’individuation s’effectue à ce prix. Cela a un effet sur autrui, bien qu’il ne soit pas forcément désiré. Par exemple lorsqu’un enfant en pousse un autre pour prendre son jouet, son intention n’est pas de lui faire mal, mais de lui prendre son jouet.
Est-il pour autant tolérable qu’un enfant veuille s’approprier un objet détenu par un autre?
L’énergie agressive d’un enfant fait partie de son développement et il faut pouvoir la cadrer sans jugement de valeur, en lui apprenant petit à petit qu’il y a des territoires qui ne lui appartiennent pas et des comportements qui ne sont pas autorisés pour bien vivre ensemble. L'éducation de l'enfant - son humanisation - se fera dans la parole ajustée qui se trouve suspendue dans cet interstice précaire entre le rien-dire complaisant et le trop-dire autoritariste.
Le harcèlement est-il motivé par un besoin de faire du mal?
Ce n’est pas exclu, mais le motif le plus courant est la protection. La motivation d’une personne qui harcèle peut se trouver dans sa peur de se retrouver dans une situation de victime. Nous, thérapeutes, entendons souvent cette phrase répétée comme un mantra « je ne veux plus jamais vivre cette souffrance et dorénavant, c’est moi qui vais donner les coups ». Cela peut aussi reposer sur le besoin de se rassurer. Rabaisser quelqu’un de plus fragile, qui se laisse frapper et humilier, donne l’impression d’être fort, en particulier lorsque la confiance en soi est faible. À cet égard, la période de l’adolescence est délicate, les jeunes ont souvent une estime de soi déficiente et peuvent chercher à exister en s’imposant ; l’agressivité les rassure. Plus il y a des signes de mal-être, plus ce type de positionnement se manifeste. Avec ces personnes, la clé est de toucher à la vulnérabilité en montrant des modèles qui la valorisent pour relativiser ceux de la force. D’autres raisons sont observées, généralement induites par des émotions fortes comme la jalousie ou le sentiment d’injustice, qui peuvent pousser à faire payer autrui le fait de se sentir lésé.
Concernant la victime de harcèlement, pourquoi éviter d’invoquer sa responsabilité, comme le recommande la méthode de préoccupation partagée?
C’est du bon sens, car il est très difficile d’expliquer de façon appropriée à une personne victime qu’elle aurait pu réagir différemment. On risque soit de la culpabiliser de ne pas avoir eu le bon comportement, soit de la voir s’effondrer et développer un sentiment d’injustice, car elle ne se sent pas entendue dans sa souffrance. Cela dit, les personnes harceleuses disent être attirées par certaines cibles, notamment celles qui ont peur. On ne peut donc pas ignorer l’existence d’une forme de prédisposition à la rencontre. Lorsqu’on peut s’aventurer sur ce terrain avec les victimes et permettre la prise de conscience de l’attraction subie, cela peut être un outil pour se positionner différemment. Il y a cependant un tabou aujourd’hui sur ce sujet et il devient difficile d’évoquer une faille chez les victimes. C’est comme si elles devaient être reconnues comme innocentes, avec le présupposé que la personne harceleuse peut tourmenter n’importe qui, ce qui n’est pas vrai. La conséquence de cette vision est une responsabilité unilatérale qui installe la victime dans une impuissance.
Un travail thérapeutique est-il possible pour les personnes victimes?
Oui, mais il est souvent long et demande beaucoup de courage. On peut observer un mécanisme de défense avec un retournement de la culpabilité contre soi, du type « si tu vis cela, c’est que tu le mérites bien ». La personne victime d’abus antérieurs développe en outre des processus psychiques pour assurer sa survie, incluant des messages du style « je ne vaux pas plus, c’est un contact, une relation … et c’est mieux que de ne pas en avoir ». Un système très organisé est alors développé autour de cette position dont il est difficile de sortir. Cela nécessite qu’elle intègre tout le mal qui lui a été fait parce que c’est à travers cette conscientisation qu’elle va pouvoir se réhabiliter dans la dignité. Se rapprocher de l’abus et de la souffrance associée représente un énorme travail qui prend souvent plusieurs années. C’est lui faire faire un voyage sur une planète complètement étrangère auquel elle n’est pas du tout préparée. Il s’agit d’avancer précautionneusement, millimètre par millimètre, en gérant les symptômes de refoulement. J’ai accompagné des patientes et des patients qui ont vomi en s’approchant de l’abus antérieur.
Quelle approche adopter à l’égard des témoins de harcèlement?
Prendre la parole et affirmer son opinion dans un groupe, c’est se distinguer et cela représente un vrai enjeu. Il y a de la peur, d’être rejeté, d’être persécuté. Mais ne pas prendre parole lorsqu’il y a désaccord, c’est aussi une façon de faire fi de soi, de se tuer intérieurement. Une prise de position est d’autant plus difficile lorsqu’elle n’est pas soutenue par l’environnement institutionnel. Il est donc très important qu’une institution, qu’elle soit scolaire, éducative ou ecclésiale, pose des directives claires pour encourager le signalement de tous comportements d’abus. Cela permet de changer de paradigme et de faire une brèche dans un monde de silence et d’impunité.
Propos recueilli par André Burgdorfer
Paru dans l’Écho de La Fontanelle n° 69, décembre 2024
Apprendre l’alphabet émotionnel pour mieux communiquer
Corinne Bonnet-Burgener est diplômée en psychologie et elle intervient depuis plus de vingt ans principalement dans les écoles enfantines et primaires du Valais, que ce soit pour aider des classes à trouver une voie de sortie de conflits déjà établis, ou dans une optique de prévention de la violence par l’apprentissage de compétences relationnelles. Parallèlement à ce travail, elle mène d’autres activités en lien avec la psychologie scolaire, la petite enfance ou encore la formation. Elle est co-rédactrice, avec Chantal Brouze et Evelyne Chardonnens, du livre Prévenir la violence chez les jeunes.
Parlez-nous des origines de votre projet. Quand avez-vous commencé à vous intéresser à la problématique de la violence à l’école et comment vous est venue l’idée de ces interventions en classe?
J’ai fait ma formation en psychologie à Genève et Lausanne, pendant laquelle j’ai suivi un module qui portait sur les interventions dans les classes. C’est dans ce contexte que j’ai pu découvrir la pratique, si passionnante que j’en ai fait l’objet de mon travail de diplôme. En parallèle, je me suis intéressée à ce qui se faisait en Valais, et me suis rendu compte qu’il n’y avait pas ce genre d’offre. J’ai donc pris contact avec les directions des écoles et le bouche-à-oreille a fait connaître mon travail.
La violence est partout présente à l’école, est-elle inévitable?
Par violence, je considère aussi bien les violences d’action (bagarres, racket, bizutage, abus physique, etc.) que d’attitude (incivilité, provocations verbales ou non verbales, exclusion, etc.). Le conflit est normal, il fait partie de la vie, et comme l’école occupe une bonne partie du quotidien de l’enfant, elle est un lieu où s’exerce la violence. Mais, ce qui est important, c’est d’avoir des outils pour sortir de ces conflits, et l’école est un excellent lieu où apprendre à les gérer et à vivre ensemble.
Ne vient-on pas simplement au monde avec ces compétences relationnelles?
Sait-on lire quand on naît ? Certes, l’apprentissage de la lecture pour la plupart des enfants se fait de façon assez naturelle, mais c’est une compétence qu’on acquiert acquise. Certains enfants arrivent à l’école en sachant déjà lire, d’autres commencent leur apprentissage à l’école, et d’autres enfin ont besoin du coup de pouce du logopédiste ou de l’enseignant spécialisé. Dans tous les cas, l’enfant passe par un processus d’apprentissage. Je me suis rendu compte en intervenant en classe que certains enfants étaient ce qu’on appelle des « analphabètes émotionnelles », dans le sens où elles et ils n’ont pas conscience de l’impact de leurs paroles ou de leurs gestes sur les autres.
Ces enfants ne savent pas lire les autres, en somme?
Ni les autres, ni eux-mêmes. Parler d’alphabétisation émotionnelle, c’est constater qu’on apprend à lire ses émotions et à lire celles des autres. Or, toutes et tous ne sont pas au même niveau d’apprentissage, car cela dépend de l’accompagnement qu’on aura reçu dans le développement de compétences relationnelles, à la maison ou à l’école. Cette alphabétisation-là devrait être au programme scolaire au même titre que les maths, parce qu’une des clés indispensables dans le développement de compétences relationnelles est la capacité à reconnaître et exprimer ses émotions. C’est d’autant plus important que le développement de ces compétences donne accès à d’autres voies de sortie de conflits que leur résolution sur un mode violent ou répressif. Ce qui est intéressant dans cette perspective, c’est qu’on opte pour une vision positive de l’enfant. Plutôt que de la ou le placer dans la catégorie enfant méchant, on peut envisager que cet enfant n’a pas encore appris qu’on n’insulte pas tout le monde quand on perd un jeu, que le dialogue est plus efficace que les coups, etc. Si on part dans cette optique-là, ça ouvre les portes, parce qu’on se demande ce qu’on va mettre en place pour lui permettre d’apprendre. Cet apprentissage-là peut se faire avec les parents et avec les enseignant-es, et il peut aussi passer par l’intervention d’une personne extérieure comme moi, qui propose des activités pour mettre des mots sur le conflit en cours et surtout aider la classe à chercher des solutions ensemble.
Vos interventions sont donc centrées sur l’ensemble du groupe?
Oui, et sans prendre à part les élèves qui pourraient poser problème. On obtient de bien meilleurs résultats. Cela n’empêche pas le suivi individuel, qui, s’il s’avère nécessaire, peut être mis en place en parallèle. Mais dans la plupart des cas, le fait de travailler avec le groupe permet à chacune et chacun de prendre conscience des origines et conséquences du conflit et choisir ensemble d’autres voies de résolution que la violence. Il est donc important que le groupe entier soit présent et de pouvoir travailler avec tous les élèves et non pas seulement avec celles et ceux qui sont directement impliqués. La classe assiste à l’expression des émotions ressenties par celles et ceux qui subissent ou exercent la violence, mais tous les élèves peuvent s’exprimer. Mes interventions offrent un cadre où la prise de parole est possible, et je facilite aussi l’expression des émotions, par des questions qui ne portent pas de jugement. Par exemple, lors d’une de mes interventions, une fille a osé dire qu’elle en avait marre qu’on la traite de grosse vache. En réponse, un garçon me dit : «mais elle rigole quand on lui dit ça». Ce que la fille admet. Alors nous avons parlé de ce rire, de ce qu’il signifie, et la fille a pu dire que c’était un rire d’inconfort, un rire de tristesse. Le garçon s’est senti tout mal. Le dialogue a permis aux garçons impliqués de prendre conscience de la conséquence réelle de leurs actes et c’est eux qui ont proposé d’arrêter d’appeler ainsi leur camarade. Toute la classe a été témoin de leur engagement. Si vous prenez à part le groupe de garçons, que vous exigez d’eux qu’ils arrêtent de se comporter ainsi, vous n’obtiendrez pas les mêmes résultats.
C’est donc à la fois la prise de conscience et la présence du groupe qui est efficace?
Oui, parce que dans certaines situations, les élèves entraînent ou encouragent d’autres à exclure ou à insulter. En faisant en sorte que tout le monde participe, que tout le monde entende et ait son mot à dire, on parvient mieux à casser les processus. Pour certains élèves, ce n’est pas facile de recevoir ce qu’on leur dit, mais je leur explique toujours : «Ce n’est pas grave. Peut-être que tu ne savais pas ce que ce rire signifiait, mais maintenant, tu le sais et tu as entendu comment elle se sent». Le but n’est pas que la personne agresseuse se sente coupable, mais qu’elle comprenne que ses paroles et ses actes ont des effets afin de l’engager envers la personne victime et d’inciter le groupe à se comporter autrement. Dans la plupart des cas, prendre le temps pour que les choses sortent, pour que les élèves prennent conscience et s’engagent à changer de comportement est efficace. Je précise cependant qu’il ne s’agit pas d’interventions coup de poing. Ma présence en classe s’étale sur l’année, et le travail demande l’implication de l’enseignant-e, qui continue à faire ce travail d’alphabétisation émotionnelle entre les séances, car il s’agit bien d’un apprentissage de compétences relationnelles, et cet apprentissage, comme la lecture, ne se fait pas du jour au lendemain.
Propos recueillis par Sébastien Heiniger
Paru dans l’Écho de La Fontanelle n° 69, décembre 2024
Un problème sociétal presque caricaturale
Honnêtement, qui n’a jamais eu de difficulté à intégrer un groupe, n’a jamais craint d’être raillé, ou ne s’est pas moqué afin d’être dans le bon camp ? Nous sommes toutes et tous plus ou moins familiers du phénomène de harcèlement, mais avons assimilé qu’il s’agit de s’endurcir et faire le dos rond face aux moqueries, aux intimidations et aux violences faites par une personne harceleuse.
Or, des événements effrayants sont désormais relayés par les médias, parlant d’isolement ou de suicide de jeunes ayant subi ces violences de manière répétitive. Ces manifestations inquiètent la population ; elles préoccupent les parents qui craignent le pire et se sentent démunis lorsque leur enfant y est confronté. Car le mécanisme est bien plus complexe qu’une histoire de victime et de persécutrice ou persécuteur.
Chez les jeunes accueilli-es à La Fontanelle, nous faisons régulièrement le constat de stigmates consécutifs à des effets collatéraux de choix de société. Nous avons fait face aux conséquences d’une éducation trop normative et nous nous mesurons aujourd’hui à ceux d’une approche exagérément bienveillante.
En matière de harcèlement, le problème sociétal est presque caricaturale. Toutes les filles et les garçons en ont souffert, ou presque. Leurs réactions sont à peine croyables, entre résignation à demeurer des boucs émissaires pour gagner leur place dans le groupe et maltraitances répétitives faites aux autres pour prendre leur place ou échapper au risque de se trouver dans un rôle de victime, les comportements sont bien là. Conseiller le bouc émissaire à agir autrement et sermonner la personne harceleuse semble tomber sous le sens.
Mais dans la réalité de ces jeunes en survie, cela est totalement inefficient et renforce au contraire la problématique d’un point de vue systémique. Le groupe se trouve au cœur d’interactions complexes dans un contexte de positionnements relationnels inadéquats. Vivre ceci au quotidien nous expose au risque de nous retrouver nous aussi en survie et oblige à beaucoup de vigilance.
Paroxystique à La Fontanelle, ce phénomène du harcèlement concerne plus largement les milieux de l’éducation, de l’enseignement et de la parentalité. Comme chaque année, nous avons souhaité proposer des outils pour mieux faire face, à travers une conférence et des articles approfondissant le sujet dans deux éditions de notre journal.
Bonne lecture!
André Burgdorfer, Directeur
Éditorial paru dans l’Écho de La Fontanelle n° 68, août 2024
Le système ou le contexte qui rend le harcèlement possible
Il a fallu des drames, des jeunes mettant fin à leur vie, pour transformer le regard sur ce qui était depuis toujours considéré comme des chamailleries ordinaires dans le milieu scolaire. Aujourd'hui, ces histoires d'enfants et d'adolescent-es dont l'estime de soi a été rongée par leurs pairs jusqu'à rompre leur élan vital nous bouleversent et inquiètent les parents. Mais comment reconnaitre s'il s'agit de harcèlement et que faire?
Le harcèlement est une violence physique ou psychologique perpétrée à long terme et de manière répétitive par une ou plusieurs personnes agresseuses. À la différence du conflit, il se caractérise par la disproportion des forces, et engendre l'incapacité pour l'individu qui en est la cible de se défendre par ses propres moyens. Il peut aussi prendre une forme numérique, le cyberharcèlement, lequel prolonge souvent un harcèlement préalablement mis en œuvre dans l'environnement scolaire. Cruel, parce que l'hyperconnectivité des jeunes ne laisse plus aucun espace de repli aux harcelé-es, il a l'avantage de laisser des traces, lesquelles permettent de prouver qu'il s'agit bien de harcèlement, au contraire des microviolences, souvent invisibles aux yeux des adultes, comme le sont les moqueries, les surnoms, les isolements et les rumeurs.
Mis en évidence par la recherche, les effets du harcèlement sur celles et ceux qui en sont victimes ont de quoi faire frémir : fort impact sur la santé mentale et physique, décrochage scolaire, risque de phobie scolaire, dépression, troubles anxieux, pensées suicidaires. Ce sont près de trois enfants par classe qui sont exposés au harcèlement, selon l'association Stop Suicide. Les répercussions sur la personne qui harcèle ne sont, contre toute attente, pas si anodines non plus. Le gain en popularité et en émotions fortes généré par la domination d'autrui va l'entrainer dans une relation asymétrique et dysfonctionnelle, rendant difficile l'acquisition des compétences de socialisation indispensables à une intégration réussie.
La recherche universitaire s'intéresse aux violences scolaires depuis les années 1970, la Scandinavie se montrant pionnière en la matière. Dan Olweus, un psychologue norvégien considéré comme l'initiateur de la recherche sur le domaine, y a consacré sa carrière, portant son engagement jusqu'à proposer de faire voter dans son pays une loi contre le harcèlement scolaire, en 1981. Ce sera toutefois le Parlement de la Suède qui, en 1994, sera le premier à ratifier une telle disposition, laquelle a permis aux pouvoirs publics de mettre en place un programme de lutte contre le harcèlement et de le rendre obligatoire pour tous les établissements scolaires. En 2006, le ministère de l'Éducation nationale finlandais emboîte le pas et finance la conception, la mise en application et l'évaluation d'un programme destine à réduire les problèmes de harcèlement entre élèves. Nommé KiVa, il est utilisé dans 90 % des établissements scolaires finlandais et dans de nombreux pays dans le monde.
Les diverses méthodes scandinaves partent du principe établi par le psychologue Anatol Pikas que le harcèlement relève de dynamiques de groupe. En effet, le bully (l'harceleur) n'existe pas sans la mob (la foule), les élèves qui se joignent au harcèlement ou encouragent celle ou celui qui agresse. Étant donné que les témoins du harcèlement peuvent choisir d'autres rôles dans le groupe, comme rester passif ou prendre la défense de la victime, l'enjeu est de les sensibiliser et de les outiller. Leur choix aura une incidence aussi bien sur la probabilité que le harcèlement se poursuive que sur le vécu de la victime.
Plus largement, l'adoption de ces différentes méthodes entérine la remise en cause de la vision psychologisante des violences scolaires, laquelle présente une agresseuse ou un agresseur en quête de domination et incapable d'empathie et une victime vulnérable qui attire sa violence. Cette individualisation du phénomène tendait à placer la responsabilité du problème chez les actrices et acteurs impliqués et à occulter l'influence du contexte socio-éducatif et social. Or, il est désormais établi que les climats scolaires et institutionnels jouent un rôle crucial dans l'émergence du harcèlement. Les nouvelles approches, dérivées de celle de Pikas, prennent en compte ces éléments.
En France et en Suisse romande, la méthode Pikas a été adaptée par Jean-Pierre Bellon et Marie Quartier. Nommé « la Méthode de la Préoccupation Partagée (MPP) », le dispositif est aujourd'hui promu dans les cantons romands par le Comité de pilotage de la Plateforme romande de la MPP. Aujourd'hui Désormais considéré comme un problème de santé public, le phénomène de harcèlement et d'intimidation entre pairs fait l'objet de plans d'action politiques. Dans le canton de Vaud, par exemple, ce dispositif a été mis en place à partir de 2015.
La MPP est une approche non-blâmante. Dans les rencontres avec les personnes agresseuses, lesquelles sont individuelles afin de défaire l'effet de groupe, les intervenant-es ne les punissent pas ni ne les culpabilisent, mais cherchent à leur faire prendre conscience des dommages causés à la cible de leur intimidation. L'enjeu est d'en faire des actrices et acteurs de la résolution du problème créé par leur posture harcelante et de les placer en position de réparer leurs torts. Si l'efficacité de la MPP n'est plus à démontrer, certaines situations sortent de son champ d'action, et c'est alors d'autres mesures qui sont mises en place, la sanction disciplinaire notamment.
Sébastien Heiniger
Paru dans l’Écho de La Fontanelle n° 68, août 2024

Interview de Sandro Cattacin, professeur de sociologie à l’Université de Genève
On observe désormais un changement d’approche important dans l’analyse des situations de harcèlement. Les dispositifs mis en place par les cantons romands pour lutter contre cette tyrannie entre pairs l’abordent comme un phénomène de groupe plutôt que le fait d’un individu. Afin de mieux comprendre ce changement de paradigme, la parole est donnée à Sandro Cattacin, directeur de l’Institut de recherches sociologiques dont certaines investigations se sont intéressées à l’intégration de la différence.
Sandro Cattacin, comment expliquez-vous que le groupe témoin soit désormais pris à parti dans les affaires de harcèlement?
En psychologie sociale, l’individu est considéré dès les années 1950 comme membre d’un groupe, et plus largement d’un système social. Lorsqu’un certain nombre de personnes se trouvent dans une situation illégitime de supériorité, on a observé que le groupe en position dominante a tendance à le justifier. Prenons par exemple l’immigration italienne en Suisse. Le discours xénophobe à l’encontre des Italiens est venu légitimer la position avantageuse que les locaux ont pu retirer du fait que ces immigrés étaient embauchés dans les jobs les plus précaires. Les Suisses, les hommes en particulier ont ainsi bénéficié d’une ascension sociale, une espèce de croissance de position de classe. Il s’agit typiquement d’une situation injustifiée – le seul mérite étant d’être là au bon moment – amenant un discours et un maniement des armes de la supériorité que sont les préjugés et les stigmatisations.
Le discours et les actes du groupe harceleur peuvent donc être compris comme la tentative de justifier et maintenir sa place dans la hiérarchie sociale. Quelles sont les formes de résistances possibles?
On observe par exemple le phénomène de « retournement du stigmate », théorisé par Erving Goffmann de l’École de Chicago. Pour survivre à une situation dans laquelle elles sont systématiquement fustigées pour une caractéristique comme la couleur de peau, un handicap physique ou une identité de genre, les personnes harcelées se saisissent du stigmate comme d’un élément d’identité et de fierté. C’est dans ce contexte que s’inscrivent en Suisse les mouvements de fierté italienne des années 1970.
Une autre façon d’améliorer les relations est «l’hypothèse de contact», théorisée par Gordon Willard Allport. Il soutient que le préjugé naît envers un membre détaché d’un groupe – l’immigré, le nouveau de la classe, etc. – qui est alors perçu comme une menace entrainant un sentiment de peur et d’exclusion. Par contre lorsque ce membre est mis en contact et entre en relation avec le groupe, la vision de celui-ci change. La validité de l’hypothèse a été démontrée, avec le corolaire que plus des gens différents se côtoient, moins il y a de racisme, de xénophobie et d’antisémitisme.
Et si la personne harcelée n’a pas de statut identifiable?
Il s’agit de sortir la personne de son isolement, de soutenir sa prise de parole. Si elle est maltraitée et se laisse maltraiter, rien ne change, parce qu’elle continue à jouer le rôle établi par la structure dans laquelle elle est prise. Elle accepte, en somme, d’être de moindre valeur. Si, par contre, elle dit « arrête de me harceler », cela peut changer, à condition de ne pas être seule avec celle ou celui qui la harcèle, au risque d’être violemment réduite au silence. En revanche, devant témoins, celle ou celui qui harcèle se trouve dans l’obligation de justifier son comportement dans une forme de pression morale : «Et maintenant, toi, qu’est-ce que tu lui réponds?». Il est primordial de maintenir un espace public sain dans lequel le défi moral peut être posé et la quête de solution déclenchée.
C’est donc dans l’espace public démocratique que les valeurs se définissent, que l’on décide ce qui est acceptable ou non?
Oui, définition collective des valeurs et possibilité de les faire évoluer en fonction du désir commun. Parce que le harcèlement peut être complètement accepté par le groupe et ensuite ne plus l’être du tout. C’est le même comportement, mais la règle a changé. Il faut donc une assemblée qui fait un choix et une nouvelle règle s’installe.
Propos recueillis par Sébastien Heiniger
Paru dans l’Écho de La Fontanelle n° 68, août 2024
Interview de Zoé Moody, professeure HEP Valais
L’évolution du phénomène de harcèlement, d’intimidation et de violences entre les élèves est désormais suivie de près par les institutions publiques romandes. Il est en effet unanimement admis que ce type d’événements peut avoir un effet péjorant sur l’intégration sociale et le développement scolaire ou professionnel des jeunes. Point de situation avec Zoé Moody, professeure HEP Valais et chercheuse au Centre interfacultaire en droits de l’enfant à l’UNIGE.
Zoé Moody, quelle est la définition communément admise pour identifier le harcèlement?
Voici celle qui est ressortie du Forum mondial contre le harcèlement en 2023 : Le harcèlement scolaire est un processus social néfaste qui se caractérise par une dynamique de pouvoir déséquilibrée, laquelle découle des normes sociales (sociétales) et institutionnelles. Les agissements sont souvent répétés et se manifestent par un comportement interpersonnel indésirable des élèves ou du personnel scolaire, qui cause un préjudice physique, social et émotionnel aux personnes ou aux groupes ciblés ainsi qu’à l’ensemble de la communauté scolaire. Cette nouvelle définition met l’accent sur les dynamiques de groupes, très prégnantes dans une majorité des situations de harcèlement.
Quelle ampleur a le phénomène?
Nos études en Suisse nous permettent d’estimer que 5 à 10% des élèves ont subi du harcèlement et cela va jusqu’à 15% pour le harcèlement verbal. Les autrices et auteurs sont évalués à moins de 5% cependant, il est important de souligner que l’ensemble du groupe est presque toujours impliqué dans la dynamique : 87% des élèves sont concernés par le harcèlement.
Comment s’exprime le harcèlement chez les jeunes?
Il s’agit le plus souvent de micro-violences, peu spectaculaires, mais répétées et donc oppressantes. Elles prennent différentes formes : physique (bousculades, croche-pattes), verbale (rumeurs, insultes), sexuelle (lever la jupe, tirer le slip, etc.), violences d’appropriation (racket), en ligne (cyberharcèlement), jeux dangereux (défis, jeux d’influence), etc.
Quelle aide est proposée pour en sortir?
Différents programmes d’accompagnement ont été développés, les principaux intégrant des interventions dites non blâmantes afin d’éviter de faire porter la responsabilité à un-e seul-e jeune et ainsi de limiter les risques de représailles. Le défi est d’accompagner les élèves dans la recherche de solution.
Quelles actions de prévention peuvent être envisagées?
On va chercher à développer les compétences psychosociales (par exemple, se connaître, se maîtriser, réguler ses émotions, communiquer de façon constructive) et, de manière importante, travailler sur l’empathie pour que les élèves puissent comprendre ce que ressentent des cibles de harcèlement. Des interventions brèves pour savoir comment agir face à une agression fonctionnent bien aussi.
Quel est le rôle des pairs dans la prévention?
Il est très important. Nous les appelons des active bystanders ou spectateur-trices actif-ves qui représentent environ 25% des témoins d’une situation de harcèlement. Ce chiffre peut être augmenté en outillant les élèves pour reconnaître le harcèlement, pour savoir où chercher de l’aide (d’où l’importance de définir des protocoles d’intervention), voire se sentir le courage d’intervenir.
Depuis 2023, le cyberharcèlement est un délit pénalement répréhensible. Ce changement a-t-il un effet?
Pas à ma connaissance en Suisse, contrairement à la France. Le cyberharcèlement est une forme de harcèlement qui facilite tout de même la documentation, donc la collecte de preuves, même si plusieurs actes constitutifs sont difficiles à déceler comme le fait de ne jamais réagir aux publications.
Propos recueillis par Anne Kleiner
Paru dans l’Écho de La Fontanelle n° 68, août 2024
Écho n° 69/Le harcèlement bousculé picture_as_pdf
Écho n° 68/Le harcèlement, un phénomène qui nous met en cause ! picture_as_pdf
Écho n° 67/Médias numériques, entre amour et haine picture_as_pdf
Écho n° 66/La gestion des écrans, thématique inépuisable picture_as_pdf
Écho n° 65/Genre masculin, qui suis-je en 2022 picture_as_pdf
Écho n° 64/Réflexion sur la masculinité picture_as_pdf
Écho n° 63/Face à une situation d’abus sexuel picture_as_pdf
Écho n° 62/20 ans du Foyer filles, partage d’expériences picture_as_pdf
Écho n° 61/Justice traditionnelle et/ou restaurative picture_as_pdf
Écho n° 60/L’accueil aux foyers en période Covid picture_as_pdf
Écho n° 59/Adopter une approche holistique de la santé picture_as_pdf
Écho n° 58/Alimentation et maladies mentales picture_as_pdf
Écho n° 57/S’adapter à la génération « moi je » picture_as_pdf
Écho n° 56/La famille 3.0, point de situation picture_as_pdf
Écho n° 55/Soutien aux familles en difficulté picture_as_pdf
Écho n° 54/Cycle de conférences pour le 30e anniversaire de La Fontanelle picture_as_pdf
Écho n° 53/Partage de connaissances à l’occasion du 30e anniversaire picture_as_pdf
Écho n° 52/Troubles du comportement et médication picture_as_pdf
Écho n° 51/S’adapter à la nouvelle génération picture_as_pdf
Écho n° 50/Mieux comprendre la nouvelle génération picture_as_pdf
Écho n° 49/Quels rôles jouent les fêtes traditionnelles picture_as_pdf
Écho n° 48/Les tracas du tabac picture_as_pdf
Écho n° 47/Les étapes de l’insertion picture_as_pdf
Écho n° 46/Éducation et psychiatrie picture_as_pdf
Écho n° 45/Rôle des aventures éducatives picture_as_pdf
Écho n° 44/Coup de projecteur sur la jeunesse d’hier et de demain picture_as_pdf
Écho n° 43/La vie aux foyers, témoignages picture_as_pdf