Quels souvenirs marquants gardes-tu et quel apprentissage La Fontanelle t'a apporté ?

Les camps bien sûr ! Des aventures hors normes où j’ai découvert et appris plein de choses. La solidarité et l’entraide. En camp, c’est dur et on doit pouvoir compter les unes sur les autres pour y arriver. On a besoin de se donner des coups de main pour avancer. Les moments de partages avec les autres filles sont gravés à jamais. En camp, on vit avec presque rien et du coup on prend conscience de tout ce qu’on a déjà dans notre vie.

Je me suis lié d’amitié avec une autre fille et on s’est soutenue tout au long de notre placement. Aujourd’hui encore on est là l’une pour l’autre et sans son amitié je ne sais pas si j’aurais pu passer toutes ces étapes.

J’ai aussi appris à respecter les adultes et à faire les choses même quand ça ne me convient pas. Avant mon placement, j’avais beaucoup de colère en moi que je ne gérais pas trop. J’ai pu travailler et aujourd’hui je me sens plus sereine. J’arrive à régler les petites histoires de la vie sans trop m’emballer. Maintenant quand je suis vraiment trop énervée je préfère pleurer. Avant, j’étais violente, maintenant plus du tout !

J’adorais les moments d’art-thérapie et je garde un souvenir fort du bilan que j’ai fait avec l’art thérapeute en fin de placement. On a pris toutes les créations que j’avais faites depuis mon arrivée. Au début, toutes mes créations étaient noires et tristes. Ensuite et jusqu’à la fin, il y avait des réalisations pleines de couleurs ! C’était fou de voir mon évolution !

Que deviens-tu aujourd’hui ?

En sortant de La Fontanelle, j’ai repris l’école pour finir ma dernière année. Au début c’était dur et j’ai eu encore quelques accros avec les profs ,mais je me suis accrochée. J’ai réussi à monter d’un niveau et à finir mon année scolaire. Ensuite, je ne savais pas trop quoi faire, mais j’adorais dessiner. Quelqu’un m’a parlé d’une école qui pourrait me correspondre : les arts appliqués. Il fallait faire un concours pour y entrer et j’avais peur. Je me suis quand même lancée et je l’ai réussi.

Aujourd’hui, je m’y plais vraiment et j’ai de bons résultats. Le domaine qui m’intéresse le plus c’est l’architecture d’intérieur. J’ai plein de projets et quand je serai arrivée au bout de mes 5 ans d’école j’aimerais me spécialiser comme architecte.

Quel message voudrais-tu transmettre aux jeunes en placement ?

Je comprends que les filles qui arrivent soient dans l’optique où elles veulent ni rien apprendre ni rien savoir. J’étais comme elles. Au fil du temps, elles remarqueront que certaines activités nous permettent de nous exprimer et que des liens forts se créent. Toutes les frustrations qu’on vit sur le moment c’est dur, mais au final ça nous aide à avancer.

Parfois le temps passe lentement. Mais un jour, la responsable m’a dit « tu réalises, Jordane, que tu termines ton placement dans 2 semaines ? » Là, je me suis effondrée en larmes. C’est le jour où on part qu’on réalise que le placement est une chance ! On a partagé des moments et des émotions fortes qui resteront à jamais gravés dans nos cœurs. On découvre qu’il y a d’autres manières d’évacuer les tensions que par la violence.

Un placement à La Fontanelle, c’est hors norme ! Il n’y a que les gens qui ont vécu ça qui peuvent savoir ce que c’est !

Au final on fait toujours un bout de chemin pour arriver quelque part, même si c’est pas là où on voudrait !