Alors que la plupart des gens se sont confinés à domicile sur la recommandation des autorités fédérales, les mesures de placement ont été maintenues pour les garçons et les filles accueilli·e·s par La Fontanelle. Privé·e·s de visites dans la famille, limité·e·s dans leur liberté de mouvement, contraint·e·s à respecter des mesures de protection à l’égard des éducateur·trice·s et des autres jeunes, chacun·e a dû composer avec l’inconnu au quotidien. Le programme Oxygène en particulier a dû être remodelé. Retour sur cette période inédite avec le témoignage d’éducateurs, de jeunes et de quelques partenaires privilégiés.

Tournus de 48 heures, réduction maximale des contacts entre éducateurs, maintien des distances malgré la vie communautaire, désinfection régulière de toutes les zones de contact comme les poignées de porte et les rampes d’escalier : La Fontanelle s’est efforcée durant le semi-confinement de protéger ses collaboratrices et collaborateurs, ainsi que les jeunes, tout en poursuivant son rôle éducatif. Le quotidien comme le programme des activités ont été bousculés, menant à un sentiment d’isolement et de frustration : « On anticipe d’habitude beaucoup, l’organisation de la semaine est planifiée », explique Jessica Fiora, éducatrice. « Il reste bien sûr toujours des incertitudes, inhérentes à notre travail, mais le contexte est connu. Là, on ne pouvait s’appuyer sur rien. Il a fallu doublement s’adapter. Horaires continus, échanges limités avec les collègues, on se sent seule, d’autant plus que le groupe des filles était fragile, en proie à une grande frustration face au confinement. » L’écoute et le soutien de la direction ont été appréciés : « La pandémie a montré la réactivité d’une petite structure », estime Guillaume Burkhalter, intervenant dans le cadre des Programmes Oxygène. Il a également travaillé plusieurs week-ends au foyer garçon. « Cette forme associative, très humaine, a permis une liberté d’organisation. Les directives ne sont pas hyper strictes, on peut discuter et dans un tel contexte, c’est positif. » Un des gros défis a été de trouver des activités à l’extérieur, compatibles avec les mesures anti-Covid. Parmi celles-ci, La Fontanelle a organisé des journées Solidarité.

Le Programme Oxygène impacté
Le Programme Oxygène a aussi été perturbé par la crise sanitaire. Une randonnée en vélo de trois semaines au Portugal était au programme en mai, avec dès le mois de février plusieurs modules de préparation, d’une durée de deux à quatre jours. « Le programme devait être maintenu » précise Guillaume Burkhalter. « Nous avions un mandat à respecter et vu les circonstances, il était important de proposer quelque chose aux jeunes. Nous avons conservé les dates des modules tout en adaptant les activités aux normes Covid. » Des balades en tête-à-tête (éducateur·trice et jeune), et des séjours sous tente en groupes restreints ont constitué les premiers modules. Le séjour au Portugal a été remplacé par des activités thématiques en Suisse : une randonnée dans le Jura avec nuits sous tente, un séjour dans une ferme aux Paccots inspiré par la formule des journées Solidarité et des activités ludiques en Valais.

À l’heure du bilan, un constat s’impose : rester en Suisse ne permet pas le même travail en profondeur et augmente fortement les risques de fugues. Guillaume Burkhalter : « Durant la marche dans le Jura, deux jeunes ont quitté le groupe. Plus le jeune est éloigné de ses points de repère, plus le travail d’introspection est profond. S’il ne connaît pas le pays, il est plus réticent à s’enfuir seul. Dans le Jura, nous avions la vue sur le lac Léman, et de nombreuses possibilités de rentrer à la maison. À l’étranger, nous aurions certainement conservé tous nos jeunes. » Si on considère le Programme Oxygène de ce printemps dans son ensemble, l’intervention a toutefois fonctionné avec la plupart des jeunes : « Nous avons été moins loin dans la persévérance, dans l’insécurité ou dans cette rupture qui met le jeune dans l’urgence » analyse Guillaume. « Mais nous avons compensé par quelque chose qui a fait sens, comme le séjour à la ferme. Nous avons plus œuvré à l’insertion, c’est une autre expérience en termes de travail social. »
 
Propos recueillis par Joanna Vanay et Sabrina Roh