Pour sa conférence annuelle, La Fontanelle a convié deux spécialistes à exposer leurs points de vue sur l’alimentation et ses effets sur les comportements. Anthony Fardet, chercheur à l’INRA, et Benjamin Boutrel, chercheur au CHUV, ont présenté le résultat de leurs recherches dans le domaine. Les conclusions sont saisissantes et remettent en question l’importance que nous accordons au contenu de nos assiettes et aux étiquettes des produits préparés que nous achetons.

Une approche trop réductionniste
La nourriture ne peut pas être considérée comme un produit addictif, car nous avons besoin de manger pour vivre, faire fonctionner notre corps, notre cerveau. Mais on connait depuis longtemps son influence sur notre état de santé et dans le but de mieux comprendre les effets, les aliments ont été décomposés. Anthony Fardet relève que cela a conduit à une vision réductionniste de l’alimentation. Les produits sont devenus une somme de nutriments – fibre, vitamines, lactose, gluten, fer, etc. – et on a déconsidéré les interactions qui existent entre les nutriments eux-mêmes et leur rôle sur la santé. Or, absorber dix grammes de sucre provenant d’un soda n’a pas le même effet que de prendre dix grammes de sucre venant d’une pomme.

La matrice des aliments sous-estimée
Le potentiel santé d’un aliment ne se trouve pas seulement dans sa composition, mais aussi dans sa matrice. Celle-ci influence le degré de mastication, la satiété, la vitesse d’absorption des nutriments, la sécrétion des hormones, la vitesse de transit, etc. Anthony Fardet souligne que l’approche réductionniste a conduit à mettre l’accent sur une partie du tout pour résoudre des dysfonctionnements multifactoriels. Toutes sortes de produits sans gluten, sans lactose, hyper protéiné, etc., sont apparus sur le marché comme des réponses aux problèmes de santé. Plus grave encore, cette vision a amené à la fabrication d’une alimentation ultra-transformée. Beaucoup d’aliments sont aujourd’hui raffinés, fractionnés, puis recombinés avec des liants artificiels par l’industrie alimentaire, de même que les goûts et les couleurs sont de plus en plus souvent synthétiques. Des recherches récentes démontrent que l’absence de matrice nuit à la santé et que l’augmentation des aliments ultra-transformés sur le marché est concomitante avec une explosion des maladies chroniques. L’alimentation ultra-transformée est partout, y compris parmi les produits qualifiés de sains.

Le microbiote en résonance avec le cerveau
Les recherches de Benjamin Boutrel confirment que les troubles liés aux maladies inflammatoires ne sont pas d’ordre génétique, mais environnemental. Le cerveau étant soumis à de grandes transformations durant la période de l’adolescence, la nourriture a un impact encore plus important sur le développement cérébral à cette période. Car le système digestif fonctionne en résonnance avec le cerveau, notamment à travers la sécrétion d’hormones, des stimulations mécaniques et la circulation d’informations à travers le nerf vague. Chez des patients atteints de maladies psychiatriques, des altérations du microbiote - c’est-à-dire une composition modifiée des bactéries, virus et parasites qui le constituent - ont systématiquement été observées.

La règle des trois V, pour végétal, vrai et varié
Pour y remédier, Anthony Fardet recommande d’adopter une vision globale ou holistique de la santé. Concernant l’alimentation, il s’agit de privilégier un régime riche en végétaux, de consommer vrai - c’est-à-dire des aliments les moins transformés possible - et de varier le contenu de son assiette en préférant les produits de saison. Concernant le contexte, il serait préférable le manger ensemble dans des lieux appropriés et s’agissant des activités, de bouger et de faire des exercices au quotidien.
Anne Kleiner

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