Est-il nécessaire de présenter Isabelle Moncada ? Aux commandes du magazine santé de la RTS 36,9, qu’elle a lancé en 2006, elle est motivée par le désir de donner des clés aux gens pour qu’ils puissent décider librement. Sa carrière a débuté à Radio Lac alors qu’elle faisait ses études en sciences politiques. Elle s’est poursuivie à la Radio Romande, puis à la Télévision Suisse Romande en 1995. Isabelle Moncada a déjà abordé une multitude de thématiques santé, mais une chose la scandalise encore et toujours : l’épidémie d’obésité, qui progresse de façon alarmante chez les enfants notamment. Après avoir généreusement animé la table ronde clôturant notre conférence sur les liens entre alimentations et troubles du comportement du 26 septembre 2019, elle a accepté de nous donner son point de vue sur le sujet.

Améliorer la qualité de l’alimentation pour limiter certains troubles du comportement est une approche plutôt nouvelle. Cependant, le sujet est sensible et la nourriture fait partie des petits plaisirs de la vie. Frustrations ou dépression, que choisir ?
Se nourrir est essentiel, mais c’est surtout puissamment relié à notre histoire personnelle, au lien maternel et familial. Changer ses habitudes alimentaires, c’est un peu comme renier son passé, son histoire et même ses valeurs familiales. C’est la raison pour laquelle nous avons tant de mal à modifier nos habitudes, qui forgent aussi nos préférences. Ce que nous mettons dans nos assiettes dit beaucoup de notre culture et de notre histoire, et c’est généralement douloureux d’y renoncer ; c’est un peu ressenti comme une trahison. Qui plus est, notre biologie est modulée par ce que nous avalons, et on sait maintenant aussi toute l’importance de cette modulation sur le fonctionnement de tout le métabolisme, y compris celui du cerveau, de l’humeur et du système hormonal. Le plaisir de manger va donc au-delà d’une simple question gustative et de satisfaction. C’est un acte hautement symbolique en plus d’être vital.

Toutes sortes de recommandations circulent sur le bien-manger, allant de la cure de jus de légumes au jeûne intermittent. Entre information et désinformation, comment s’y retrouver ?
Nous essayons tous de moduler « cognitivement » notre manière de manger en fonction des informations qui nous parviennent. Nous cherchons le régime idéal, sain, parfait, en testant sur nous-mêmes, en écoutant des témoignages, en lisant des recommandations ou des résultats d’études scientifiques ( rares, car difficiles à conduire ). D’une certaine manière, c’est présomptueux, car notre cerveau en tant qu’organe est bien plus compétent que notre raison pour faire les choix vitaux. Le problème, c’est quand cette aptitude à manger ce dont nous avons besoin, dans les quantités nécessaires, ni plus ni moins, est abimée par un manque de diversité, par la publicité ou par un nutriment comme le sucre, dont on sait qu’il provoque une addiction et des changements métaboliques délétères quand il est présent chroniquement, quotidiennement et en trop grande quantité dans l’alimentation. L’instinct naturel que nous avons tous au départ est faussé par cet « accident » alimentaire. Il n’y a pas d’obèses chez les animaux sauvages. Ils s’autorégulent remarquablement, résistent aux famines et à l’abondance. Leur organisme et leur cerveau jouent parfaitement leur rôle, tout comme le nôtre avant l’industrialisation de l’alimentation. Il faut donc protéger nos enfants, les maintenir autant que possible dans une sorte « d’innocence alimentaire ». Et pour ceux dont le métabolisme est déjà endommagé par les aliments transformés et ultratransformés, il s’agira de reconquérir patiemment et au prix de nombreux efforts une forme de « liberté » face à la pression publicitaire et à cette exposition permanente à des aliments.
Propos recueillis par Anne Kleiner

Autres articles en lien avec le thème traité par le n°59 de l’Écho, le journal semestriel de La Fontanelle :
Réflexions thématiques - Adopter une approche holistique de la santé

Réflexions thématiques - Le sucre est plus addictif que la cocaïne